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La liberté guidera le peuple

La liberté d'expression guidera le peuple
Ecrit par Thomas Rivoire

Suite aux événements tragiques du 7 et 9 janvier 2015, les français se sont insurgés contre la barbarie. Le thème des dernières manifestations et marches républicaines était clair : non à la barbarie, oui à la liberté d’expression.

A ce propos, on a pu lire dans les unes des journaux et dans les pancartes à droite et à gauche, des déclarations exhortant les uns et les autres à la défense de la liberté d’opinion. Emus par le sujet, nous souhaitons aborder juridiquement la liberté d’expression, qui nous est si chère.

Origine moderne

En droit interne, les principes républicains modernes auxquels nous sommes aujourd’hui si attachés sont issus de la révolution française.

On les retrouve gravés à jamais sur le pilier juridique de la révolution : la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.

Pour ce qui est de la liberté d’expression, il s’agit des articles 10 et 11, qui disposent respectivement : “Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi”, et “La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi”.

La valeur de la liberté d’expression

Une question a troublé longtemps les juristes et les apologistes des libertés : la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen a-t-elle une valeur contraignante ? Ou fait-elle partie des grandiloquences qui ne font qu’énoncer un attachement moral à certains principes ?

Si cette question était problématique, de nos jours la réponse est claire : la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 a valeur constitutionnelle.

Pour refaire le cheminement de cette consécration, au départ, le préambule de la constitution de 1946 y faisait mention.

La constitution de la cinquième République, reprenant la constitution précédente, déclara dans son préambule que “Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789”.

A partir de là, l’évolution s’est faite rapidement : si des doutes étaient évoqués quant à la valeur juridique d’un préambule, le Conseil constitutionnel a tranché le 16 juillet 1971, en consacrant la valeur constitutionnelle du préambule de la constitution de 1958.

Par la suite, le 27 décembre 1973, le conseil s’est prononcé directement sur la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, en affirmant la valeur constitutionnelle de chaque principe.

Limitée

Si la liberté d’expression a bien été consacrée par le Conseil constitutionnel comme un des principes de la cinquième République, il faut bien noter les termes de l’article 11 de la DDHC : la liberté d’expression est totale, et chacun est libre de s’exprimer “sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi”.

La loi peut donc restreindre la liberté d’expression, et c’est notamment le cas avec la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. La diffamation est définie à l’article 29 comme correspondant à toute imputation à une personne d’un fait portant atteinte à son honneur ou à la considération.

Cette diffamation est punie de peines très variables, selon sa cible. A titre d’exemple, une diffamation commise envers un particulier est punie de 12 000 euros d’amende, lorsqu’elle est commise par “des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, par des placards ou des affiches exposés au regard du public, ou par tout moyen de communication au public par voie électronique”.

Si la diffamation par les moyens précités visait une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine, appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion, elle serait punie d’un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. La même peine est prévue lorsque la diffamation vise des personnes ou des groupes de personnes en raison de leur sexe, orientation ou identité sexuelle, ou handicap.

En outre, les articles 23 et 24 imposent des peines à ceux qui, par les formes précitées, incitent la commission d’actes qualifiés de délits ou de crimes. La seule variable repose sur le fait que l’acte ait été commis par la suite : si les actes sont effectivement commis, l’auteur des discours est jugé en tant que complice des accusés agresseurs. Si les actes ne sont pas entrepris, l’auteur des discours peut être puni de cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

La parodie, le pastiche et la caricature.

Se pose alors une dernière question : est-ce que les caricatures, pastiches et parodies sont interdites, lorsqu’elles offensent quelqu’un ?

En principe, non, dans la mesure où le Code de la propriété intellectuelle, dans son article L.122-5, autorise “la parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre”.

Cependant, si, selon l’appréciation du préfet du lieu, la caricature, pastiche ou parodie est en mesure de provoquer des troubles à l’ordre public, le préfet peut limiter la liberté d’expression temporairement. Sa décision peut cependant faire l’objet d’un recours devant la juridiction administrative.

En outre, dès qu’une publication vise directement une personne ou un groupe de personnes, et constitue une diffamation, des poursuites peuvent être engagées.

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A propos de l'auteur

Thomas Rivoire

Diplômé d'HEC Paris et titulaire du diplôme supérieur du notariat, j'ai plus de cinq années d'expérience au sein d'une étude de notaires. En tant que co-fondateur de LegaLife, je suis en charge du contenu juridique et du développement de l'offre de services que nous proposons à nos clients.

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