Notre article d’aujourd’hui sera un peu spécial (attention spoiler).
Face à l’intérêt que suscitent aujourd’hui les séries de télévision américaines, nous avons décidé de nous intéresser à ces séries d’un point de vue juridique.
Ce premier article concerne la série Suits, une série faisant la chronique des péripéties légales d’un duo d’avocats à New York.
Au cours de la quatrième saison de Suits, Mike Ross, jeune collaborateur surdoué, s’est dévoué à sauvegarder les intérêts de Gillis Industries, la société éponyme de Walter Gillis.
A un moment, cette société se retrouve dans une position très délicate ; la performance de la société ayant considérablement baissé, l’entreprise est vulnérable à une prise de participation agressive (la hostile takeover à l’américaine).
Que ce serait-il passé si Gillis Industries était une société anonyme implantée en France ? Est-ce que Mike Ross aurait pu aller au-delà et empêcher une prise de participation agressive ? C’est ce que nous nous efforcerons de déterminer.
Table des matières
La prise de participation agressive en France
La prise de participation agressive est un procédé permettant la prise de contrôle d’une entreprise malgré l’opposition de ses dirigeants.
L’intéressé procède à la publicité de son intention d’acheter des actions de l’entreprise à des prix attractifs, afin de convaincre ses actionnaires de lui céder leurs actions. Cette opération s’appelle l’offre publique d’achat (OPA), qui est obligatoire et suit une procédure particulière.
Cette pratique est très fréquente aux Etats-Unis, comme le témoigne Suits, et au Royaume-Uni.
L’offre publique d’achat
Si Logan Sanders voulait déclencher une prise de participation agressive en France pour s’approprier la société Gillis Industries, il aurait dû commencer par obtenir le concours d’un établissement bancaire spécialisé en affaires.
Une fois le projet d’offre publique d’achat déterminé, avec le prix d’achat de chaque action, Sanders aurait dû le soumettre à l’Autorité des marchés financiers (AMF), ce qui aurait alors déclenché la phase secrète de la procédure.
Cette phase secrète se serait déroulée au cours des cinq jours qui suivent le dépôt de l’offre à l’AMF. Cette dernière l’analyserait afin de déterminer si l’offre est recevable.
Après avoir reçu l’aval de l’AMF quant à la recevabilité de son offre, Logan Sanders aurait pu procéder à l’offre proprement dite. A ce moment-là, Sanders et Gillis auraient dû réunir leurs comités d’entreprise afin de les informer de l’offre dans les conditions prévues par l’article L.432-1 du Code du travail.
Une note d’information aurait été envoyée de la part de Logan Sanders aux actionnaires avec le visa de l’AMF. En riposte, les dirigeants de Gillis Industries auraient pu envoyer, après avoir obtenu le visa de l’AMF, une note à ses actionnaires pour leur faire part de leur avis, certainement en opposition aux dirigeants de Logen Sanders.
L’offre de Sanders aurait alors été effective pendant vingt-cinq jours d’ouverture de la bourse de Paris, vingt-cinq jours pendant lesquels un tiers ne peut formuler de contre-offre. Si Sanders souhaitait encore augmenter son offre, il devrait le faire à « un prix supérieur d’au moins 2% au prix stipulé dans l’offre publique d’achat ou la surenchère en numéraire précédente » selon l’article 232-7 du règlement général de l’AMF.
Au bout des vingt-cinq jours, le résultat ferait l’objet d’une publication, et Logan Sanders aurait probablement pris le contrôle de Gillis Industries.
En France, Walter Gillis aurait-il pu se défendre ?
La question est quand même présente dans quelques uns de vos esprits depuis la mi-saison de Suits. Walter Gillis aurait-il pu faire quelque chose pour empêcher cette prise de participation agressive de Sanders ?
Si Gillis Industries était une SA en France, elle aurait eu quelques outils afin d’empêcher l’immixtion de Logan Sanders.
Nous allons en citer quelques-uns des plus utilisés.
Walter Gillis aurait pu transformer la société en société en commandite par actions, ce qui aurait permis au commandité de garder le contrôle et empêcher le changement des statuts par l’actionnaire majoritaire.
En outre, Walter Gillis aurait pu, de façon préventive, passer systématiquement un pacte d’actionnaires avec tous ses actionnaires afin de contrôler le changement d’actionnariat. Pour ce faire, il lui fallait inclure des clauses de préemption dans le pacte, obligeant les actionnaires à donner la préférence de rachat en cas de cession d’actions aux signataires du pacte.