Diriger une société

La révocation abusive d’un dirigeant

La révocation abusive d'un dirigeant
Ecrit par Thomas Rivoire

Le dirigeant d’une société dispose certes d’un mandat en vertu duquel il gère la société. Cependant, il peut être mis fin à son mandat de façon anticipée sur décision de la majorité des associés ou de l’assemblée générale. Certains dirigeants sont révocables sans motif, mais d’autres doivent être révoqués sur le fondement d’un juste motif. Dans ces conditions, le dirigeant n’a droit à aucune indemnité de départ.Toutefois, la loi oblige la société, voire les associés personnellement, à verser des dommages et intérêts au dirigeant révoqué en cas d’abus dans la procédure de révocation. Même en cas d’abus, le dirigeant ne sera pas réintégré dans l’entreprise.

Cet article développe les deux cas possibles d’abus pour faire en sorte que les sociétés puissent éviter les écueils de la révocation abusive.

I. La révocation portant atteinte à la réputation ou à l’honneur

La révocation d’un dirigeant dans des conditions vexatoires ou injurieuses ouvre droit à réparation pour le dirigeant dont la réputation ou l’honneur ont été atteints. Quel que soit le motif, l’abus s’analyse dans les circonstances de la révocation. Ainsi :

  • Demander au dirigeant de remettre les clés de l’entreprise dès la fin de l’assemblée pendant laquelle il a été révoqué est humiliant et constitue un abus ;
  • Faire courir la rumeur de la révocation du dirigeant et faire intervenir la police le jour où la révocation est prévue qualifie l’abus dans la révocation ;
  • Le fait de dénigrer le dirigeant bientôt révoqué auprès de l’ensemble des salariés est une circonstance vexatoire de la révocation ;
  • Le fait d’affecter le bureau du dirigeant non encore révoqué à son successeur pressenti, et que ce dernier ait invité le dirigeant encore en poste à quitter la société est une révocation abusive ;
  • Le fait pour un dirigeant non encore révoqué de retrouver ses effets personnels à l’extérieur du siège de la société le jour de l’assemblée de révocation a été considéré comme portant atteinte à l’honneur du dirigeant.

En revanche, les cas suivants n’ont pas été qualifiés d’abusifs :

  • En l’absence de publicité externe ou de dispute, l’échange de propos simplement désagréables pendant l’assemblée ne porte pas atteinte à l’honneur du dirigeant ;
  • Le fait que le milieu professionnel ait rapidement eu connaissance du départ du dirigeant, ou le fait qu’une société connue ait dû communiquer sur la révocation de son dirigeant, lui-même très connu, ne suffisent pas pour établir la révocation abusive.

II. La révocation sans observation du droit au contradictoire

Même s’il y a peu de chance de faire changer l’avis d’une assemblée qui a l’intention de le révoquer, le dirigeant doit pouvoir avoir l’opportunité de présenter ses observations sur les raisons qui poussent l’assemblée à le révoquer.

Cette exigence permet de respecter le principe du contradictoire, et de ne pas procéder à une révocation brutale. Ainsi :

  • Le fait de révoquer un dirigeant avant qu’il ait pu prendre connaissance des motifs qui lui étaient reprochés, aussi graves soient-ils, est une révocation brutale, ouvrant droit à réparation pour le dirigeant, et ce même si le dirigeant était révocable sans motif.
  • Le fait de ne pas informer un dirigeant que sa révocation est à l’ordre du jour n’a pas pu lui permettre de disposer d’un délai pour préparer sa défense. La révocation a donc été jugée abusive ;
  • Le fait pour un ordre de jour de ne mentionner que la discussion de certains griefs à l’encontre du dirigeant, sans préciser que sa révocation était également à l’ordre du jour l’a empêché de pouvoir préparer sa défense.

En revanche, ont été considérées comme fondées :

  • La révocation d’un dirigeant qui s’est retiré de l’assemblée générale à l’ordre du jour de laquelle figurait sa révocation, et à laquelle il avait été valablement convié ;
  • La révocation d’un dirigeant en arrêt maladie pour qui la société avait tout mis en œuvre pour lui permettre de s’exprimer sur sa révocation ;
  • La révocation d’un dirigeant suite à un incident de séance, alors même que sa révocation ne figurait pas à l’ordre du jour ;
  • La révocation d’un dirigeant pour un juste motif sans intention de nuire au dirigeant, même si la décision n’a pas entièrement respecté les conditions de forme.

Précision importante : quelle que soit la forme que prend l’abus : il ne saurait être évité du seul fait que le dirigeant révoqué ait signé le procès-verbal d’assemblée. Sa signature ne l’empêche pas de contester la procédure de révocation.

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A propos de l'auteur

Thomas Rivoire

Diplômé d'HEC Paris et titulaire du diplôme supérieur du notariat, j'ai plus de cinq années d'expérience au sein d'une étude de notaires. En tant que co-fondateur de LegaLife, je suis en charge du contenu juridique et du développement de l'offre de services que nous proposons à nos clients.

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