Travail

Le statut de stagiaire

Le statut de stagiaire
Ecrit par Thomas Rivoire

Le stage en entreprise a été substantiellement modifié par la loi du 10 juillet 2014. Le Code de l’éducation, notamment dans ses articles L.124-1 à L.124-20 détaille le régime applicable à toute entreprise souhaitant passer une convention de stage avec un étudiant.

La plupart des dispositions sont entrées en vigueur depuis le 12 juillet 2014, tandis que d’autres sont en attente d’un décret d’application ou n’ont vocation à s’appliquer qu’à partir du 1er septembre 2015. Faisons le point sur le statut du stagiaire.

Tout d’abord, concernant la portée de la loi du 10 juillet 2014, ne sont pas concernés par les dispositions des stages en entreprise, les stages de formation professionnelle tout au long de la vie, ainsi que les stages prévus expressément par l’article L.4153-1 du Code du travail, à savoir :

  • Les stages de mineurs de quinze ans et plus, titulaires d’un contrat d’apprentissage dans les conditions prévues à l’article L.6222-1 du Code du travail ;

  • Les visites d’information d’élèves de l’enseignement général organisées par leurs enseignants ou, durant les deux dernières années de leur scolarité obligatoire, lorsqu’ils suivent des périodes d’observation mentionnées à l’article L.332-3-1 du Code de l’éducation ou des séquences d’observation et selon des modalités déterminées par décret ; et

  • Les stages d’élèves qui suivent un enseignement alterné ou un enseignement professionnel durant les deux dernières années de leur scolarité obligatoire, lorsqu’ils accomplissent des stages d’initiation, d’application ou des périodes de formation en milieu professionnel selon les modalités déterminées par décret.

Obligations de l’établissement d’accueil et droits du stagiaire

En acceptant de prendre un stagiaire au sein de votre entreprise, vous devez vous plier à certaines obligations et assurer les droits de votre stagiaire.

La convention de stage

Ainsi mis à part certains types de stages cités au dessus, tous les stages doivent faire l’objet d’une convention tripartite entre l’employeur, le stagiaire et l’établissement d’enseignement du stagiaire.

Cette convention doit comporter un certain nombre de clauses selon l’article D.124-4 du Code de l’éducation, à savoir :

  • L’intitulé complet du cursus ou de la formation du stagiaire ainsi que son volume horaire par année d’enseignement ou par semestre d’enseignement, selon les cas ;
  • Le nom de l’enseignant référent de l’établissement d’enseignement et le nom du tuteur dans l’organisme d’accueil ;
  • Les compétences à acquérir ou à développer au cours de la période de formation en milieu professionnel ou au cours du stage ;
  • Les activités confiées au stagiaire en fonction des objectifs de formation et des compétences à acquérir et validées par l’organisme d’accueil ;
  • Les dates du début et de la fin de la période de formation en milieu professionnel ou du stage ainsi que la durée totale prévue ;
  • La durée hebdomadaire de présence effective du stagiaire dans l’organisme d’accueil et sa présence, le cas échéant, la nuit, le dimanche ou des jours fériés ;
  • Les conditions dans lesquelles l’enseignant référent de l’établissement d’enseignement et le tuteur dans l’organisme d’accueil assurent l’encadrement et le suivi du stagiaire ;
  • Le montant de la gratification versée au stagiaire et les modalités de son versement, le cas échéant ;
  • Le régime de protection sociale dont bénéficie le stagiaire, y compris la protection en cas d’accident du travail ainsi que, le cas échéant, l’obligation faite au stagiaire de justifier d’une assurance couvrant sa responsabilité civile ;
  • Les conditions dans lesquelles le stagiaire est autorisé à s’absenter, notamment dans le cadre d’obligations attestées par l’établissement d’enseignement et des congés et autorisations d’absence ;
  • Les modalités de suspension et de résiliation de la convention de stage ;
  • Les modalités de validation du stage ou de la période de formation en milieu professionnel en cas d’interruption, conformément à l’article L.124-15 ;
  • La liste des avantages offerts par l’organisme d’accueil au stagiaire, notamment l’accès au restaurant d’entreprise ou aux titres-restaurant et la prise en charge des frais de transport le cas échéant, ainsi que l’accès aux activités sociales et culturelles ;
  • Les clauses du règlement intérieur de l’organisme d’accueil qui sont applicables au stagiaire, le cas échéant ; et

Dès la signature de la convention du stage, et au début du stage de l’étudiant, l’établissement devra inscrire le stagiaire sur son registre du personnel, dans une partie spécifique répertoriant les stagiaires.

La gratification de stage

Le stagiaire qui passe une durée supérieure à deux mois dans l’entreprise doit être rémunéré. Cette gratification (on ne parle pas de salaire), est encadrée par un minimum légal. Ce montant est réévalué chaque année en fonction du plafond horaire de la Sécurité Sociale. Il se situe actuellement autour de 550 euros pour un mois de travail à 35 heures hebdomadaires.

En dehors de ce cas, la gratification peut être fixée par une convention de branche ou par accord professionnel étendu. Quoi qu’il arrive, l’employeur peut choisir de payer son stagiaire plus que le minimum légal, mais la somme excédentaire est alors soumise à des cotisations sociales.

 

Les droits du stagiaire

Un stagiaire bénéficie, au titre de l’article L.124-13 du Code de l’éducation, de congés et d’autorisations d’absence calquées sur le régime des salariés prévu au Code du travail, en cas de grossesse, de paternité ou d’adoption.

Ensuite, lorsque le stage effectué l’est pour une durée supérieure à deux mois, la convention de stage doit prévoir la possibilité de congés et des absences autorisées dus à la formation suivie par le stagiaire.

Le stagiaire doit également pouvoir bénéficier de l’accès à la cantine de l’entreprise ou aux titres-restaurants dans les mêmes conditions que les salariés de l’entreprise. Il en va de même pour la prise en charge des frais de transport engagés afin d’effectuer le stage.

Finalement, au titre de l’article L.124-16 du Code de l’éducation, le stagiaire doit avoir accès à toutes les activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise au bénéfice des salariés.

La mise en place d’un tuteur

Tout d’abord, d’après l’article L.124-10 du Code de l’éducation, un tuteur doit être désigné dans l’établissement d’accueil, qui devra veiller au respect du deuxièmement de l’article L.124-2 du Code de l’éducation, notamment l’acquisition ou le développement de compétences tout au cours du stage.

Interdictions et limites du stage

Un employeur doit se plier à certaines interdictions concernant le statut du stagiaire.

La première interdiction, et la plus générale de toutes, concerne la nature même du stage. Pour éviter les dérives, l’article L.124-7 du Code de l’éducation interdit le recours au stage pour « exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’organisme d’accueil, pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié ou un agent en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail ».

L’interdiction d’avoir un stagiaire présent dans l’entreprise lorsque le reste de l’effectif n’est pas tenu d’y être

Concernant la présence du stagiaire en entreprise, celle-ci doit se calquer sur celui des salariés de l’établissement. Le stagiaire doit suivre les mêmes règles de présence des salariés de l’établissement en ce qui concerne la durée maximale de sa présence quotidienne et hebdomadaire dans l’entreprise et concernant sa présence pendant la nuit. Il est donc formellement interdit à l’établissement d’accueil d’exiger la présence du stagiaire lorsque l’effectif de l’entreprise n’est pas tenu d’être présent.

Il en va de même pour le temps de repos quotidien, hebdomadaire et aux jours fériés dont bénéficient les salariés de l’entreprise. L’établissement d’accueil ne peut imposer au stagiaire d’être présent à l’entreprise aux heures de repos quotidiens, hebdomadaires ou aux jours fériés si les salariés de l’entreprise ne sont pas tenus d’y être.

L’interdiction de demander à un stagiaire d’effectuer des tâches dangereuses

L’article L.124-14 du Code de l’éducation interdit à l’établissement d’accueil de confier des tâches particulièrement dangereuses pouvant nuire à la santé ou présenter un danger à la sécurité du stagiaire, reprenant ainsi l’interdiction générale de l’article L.124-7.

L’interdiction d’avoir un stagiaire au sein de l’entreprise ayant dépassé six mois de stage dans le même établissement d’accueil

Concernant la durée du stage, l’article L.124-5 du Code de l’éducation fixe la durée maximale du stage ou des stages dans un même établissement à six mois par année d’enseignement, interdisant ainsi la possibilité pour l’établissement de renouveler le stage d’un même stagiaire au delà de cette période.

A la fin du stage, n’oubliez pas de remettre au stagiaire une attestation de stage.

La mise en place de quotas

L’établissement d’accueil doit, selon l’article L.124-8 du Code de l’éducation, se limiter à un certain nombre de stagiaires dont la convention de stage est en cours sur une même semaine dans l’établissement. Par dérogation, l’autorité académique pourra fixer la limite de stagiaires accueillis dans un même organisme pendant une même semaine dans le cadre de la période de formation en milieu professionnel prévue par le diplôme préparé.

Ensuite, un deuxième quota concerne le tuteur qui est désigné en tant qu’accompagnateur du stagiaire. Il ne peut pas être désigné en tant qu’accompagnateur de plus d’un certain nombre de stagiaires en même temps sur une semaine civile. L’objectif est de réguler les méthodes de recrutement des stagiaires au sein d’un maximum d’entreprises.

Le quota de stagiaires, ainsi que la possibilité pour l’autorité académique de le fixer de façon dérogatoire, et le nombre de stagiaires qu’un tuteur peut accompagner sur une semaine, seront fixés par un décret en Conseil d’Etat. Le décret en Conseil d’Etat n’étant pas intervenu, ces dispositions sont inapplicables.

L’interdiction de ne pas respecter un délai de carence

En fin de stage, l’établissement ne peut pas prendre en charge un nouveau stagiaire pour effectuer un stage au même poste avant la fin d’un délai de carence égal à un tiers du dernier stage ayant occupé le poste.

Par exemple, à la fin d’un stage de 3 mois, l’entreprise ne peut pas recruter de stagiaire au même poste avant un mois.

Les sanctions encourues en cas de violation des interdictions

Si, en méconnaissance de l’article L.124-7 du Code de l’éducation, un établissement passe une convention de stage dans le but d’effectuer « une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent » ou « pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’organisme d’accueil, pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié ou un agent en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail », alors le conseil des prud’hommes peut être saisi à tout moment pour examiner une demande de requalification du contrat.

En outre, si l’établissement d’accueil commet une violation aux articles L.124-8, L.124-9, ou L.124-14, à savoir :

  • Si l’établissement possède plus de stagiaires actifs dans l’établissement que la limite de stagiaires imposée par décret (non applicable actuellement) ;
  • Si un tuteur ne réalise pas l’accomplissement des objectifs de formation du stagiaire ;
  • Si le stagiaire est tenu d’être présent dans l’établissement lorsque l’effectif de l’entreprise ne l’est pas.

Les violations seront constatées par l’inspecteur du travail et l’établissement encourt une amende administrative de 2000 euros au plus par stagiaire et 4000 euros en cas de réitération.

Le délai de réitération est de un an et court à partir de la constatation de la violation.

Textes fondamentaux

Articles du Code de l’éducation :

  • Article L.124-1 détaillant la nécessité d’établir une convention tripartite pour un stage en milieu professionnel ;
  • Article L.124-2 détaillant les obligations de l’établissement d’enseignement ;
  • Article L.124-5 détaillant la durée maximale d’un stage par un étudiant dans un même établissement ;
  • Article L.124-6 détaillant la gratification du stage ;
  • Article L.124-7 détaillant l’interdiction de recourir au stage pour effectuer des tâches régulières correspondant à un poste permanent ou autres cas ;
  • Article L.124-8 détaillant l’interdiction pour un établissement d’avoir un nombre de stagiaires actifs sur une semaine supérieur à la limite imposée par décret ;
  • Article L.124-9 détaillant l’obligation de désignation d’un tuteur dans l’établissement d’accueil ;
  • Article L.124-10 détaillant l’obligation d’une limite de stagiaires pris en charge par un tuteur dans une semaine civile ;
  • Article L.124-11 détaillant l’interdiction pour un établissement professionnel de prendre en charge un stagiaire dans un même poste occupé par un stagiaire l’ayant précédé avant la fin d’un délai de carence ;
  • Article L.124-13 détaillant les congés et autorisations d’absence éventuelles permises aux stagiaires ;
  • Article L.124-14 détaillant les règles applicables pour la présence du stagiaire dans l’établissement ;
  • Article L.124-16 détaillant le droit des stagiaires d’avoir accès aux activités sociales et culturelles de l’établissement ; et
  • Article L.124-17 détaillant les sanctions des manquements de l’établissement aux règles précitées.
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A propos de l'auteur

Thomas Rivoire

Diplômé d'HEC Paris et titulaire du diplôme supérieur du notariat, j'ai plus de cinq années d'expérience au sein d'une étude de notaires. En tant que co-fondateur de LegaLife, je suis en charge du contenu juridique et du développement de l'offre de services que nous proposons à nos clients.

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4 commentaires

  • Bonjour,
    Il est vrai que la réforme du code de l’éducation via la loi du 10 juillet 2014, apporte un véritable plus en matière de protection des stagiaires ,
    Même si la conséquence négative de celle-ci, est la réduction du nombre potentiel de stagiaires dans les entreprises d’accueil (15 % de l’effectif salariés si l’organisme d’accueil compte plus de 20 salariés), donc sans doute plus de difficultés à trouver un stage, elle leur garantit de bien meilleures conditions de réalisation de leur stage.

  • Bonjour je ne pense pas avoir de réponse car tout le monde que je contacte s en fiche: avocat, organismes… Je suis en formation depuis le 28 aout 2018. Cette formation est “rémunérée”. Tous mes collègues le sont sauf moi. On me balade en mi disant que c est le pole emploi qui va me rémunérer, puis le conseil régional, puis départemental, puis la caf bref je n ai rien sinon le RSA qui a baissé car ma formation est rémunérée mais personne n a mon dossier, personne ne m aide, les avocats sont spécialisés dans le droit du travail pas du stage.. Je dois gentiment attendre, fermer ma bouche et remercier qu on m enfonce dans la mouise…. Personne pour me dire quels sont mes droits, mes recours, et m aider à obtenir des dommages et intérêts. Je fais des burn out (2) depuis le début de la formation car sans ressource, je déprime alors que je devrais être heureuse de me dire que cela peut déboucher sur un travail. QUI PEUT AIDER UNE STAGIAIRE VEUVE A SE SORTIR DE CE FOUTOIR ADMINISTRATIF?